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La Croix 2008

Montargis, l'un des berceaux de la "chine nouvelle"


LA CROIX Paru le: mardi 13/05/2008

La sous-préfecture du Loiret a reçu dans les années 1920 de nombreux jeunes Chinois, parmi lesquels certains futurs hauts dignitaires du régime comme Deng Xiaoping. MONTARGIS ET CHAINGY, de notre envoyé spécial. Louis de COURCY

Mystère du destin ou simple hasard ? Le docteur Peiwen Wang, lorsqu'elle s'installa à Montargis en 1993, ne savait rien du passé chinois de cette tranquille
sous-préfecture du Loiret. Ce sont ses amis de l'ambassade de Chine, à Paris, qui lui en firent prendre conscience alors qu'elle allait suivre les traces du gotha de la «Chine nouvelle ».
Très vite, cette spécialiste de la médecine chinoise, qui aujourd'hui la pratique dans le cadre de son école « Santé longévité » et préside l'association «
Amitié Chine Montargis », se lance dans l'étude d'une étonnante page d'histoire de son pays d'origine. Que découvre-t-elle ? Rien moins, par exemple, que la présence, dans les années 1922 et 1923, d'un certain Deng Xiaoping, le futur artisan du réveil économique de la Chine. Celui-ci fut en effet salarié de l'usine Utchinson, à Montargis, où il contribuait à la fabrication de chaussures et de pneus. Un jour de 1923, déjà très impliqué politiquement, le voilà exclu de l'usine « pour refus de travailler ». C'est que ce jeune et brillant intellectuel est un peu trop occupé avec ses amis chinois de Paris. Son employeur ne l'entend pas de cette oreille : pour lui, c'est ou le travail, ou la porte...
Peiwen Wang, elle, ira de surprises en découvertes. Et le fil qu'elle déroule s'avère si prometteur qu'elle propose à la mairie de Montargis de tirer un peu mieux parti du passé auquel ont pris part de nombreux Chinois, dont les premiers étaient issus de familles riches, parmi lesquels Deng Xiaoping. Il s'agit de faire connaître à un plus large public la grande aventure du Mouvement « Travail-Études » inventé par Li Yuying (devenu ensuite Li Shizeng), premier Chinois arrivé à Montargis, en 1902 :
débarqué à Paris dans les bagages de l'ambassadeur de Chine en France, il a envie de vivre à la campagne et il a entendu parler d'une école d'agriculture appliquée à Amilly, juste à côté de Montargis, où il aimerait bien s'inscrire. Ce qu'il fait. Puis,d'élève, il y devient professeur, lance en même temps une usine de produits à base de soja, à Paris. En réalité, Li est un idéaliste hyper-actif. Il veut, par l'expérience qu'il acquiert en France, former de jeunes Chinois dans le but d'en faire les élites d'une Chine nouvelle.
Les relations de Li sont telles en Chine qu'il parvient à faire venir en visite à Montargis le premier président de la République chinoise, Sun Yatsen, avec son
ministre de l'éducation, Cai Yuanpei. L'idée d'envoyer ici des étudiants de leur pays vient de naître. Li croise un autre personnage, Cai Hesen, fondateur du mouvement « Nouveau peuple », issu de la province très pauvre du Hunan. De ces rencontres, émane la volonté de permettre aussi à de jeunes Chinois issus de milieux populaires de se former en France. Filles et garçons arrivent à Montargis. On improvise le dortoir des garçons au collège Gambetta, devenu de nos jours la salle de réception de l'hôtel de ville. Les filles, elles, sont logées au collège Chinchon, qui existe toujours, et dont la directrice d'alors était la mère du célèbre écologiste René Dumont. Le premier « mariage libre » entre Chinois, qui réunit Xiang Jingyu et Cai Hesen, est immortalisé par un cliché pris dans le jardin public Durzy de Montargis.
Une légende prétend que Zhou Enlai fut le témoin. Une certitude, pourtant : le futur premier ministre chinois a rendu plusieurs fois visite à ses amis dans la
sous-préfecture du Loiret. C'est aussi dans ce jardin que Cai Hesen décide de proposer la création du Parti communiste chinois. Une lettre en ce sens parviendra de Montargis à l'adresse de Mao Zedong... À partir de cet épisode, Peiwen Wang a imaginé un circuit dans la ville, avec, à chaque endroit emblématique, une plaque explicative et une photo montrant ces jeunes Chinois, sérieux comme des gens investis d'une tâche immense, à la mesure de leur idéal révolutionnaire.
Catholique et fier de l'être, en aucun cas héritier de l'idéologie révolutionnaire qui a mûri à Montargis, Claude Yang, 79 ans (demeurant à Chaingy, non loin d'Orléans), est adhérent de l'association « Amitié Chine Montargis ». Mais il est surtout le fils de Tche Tchen, décédé en 1967, qui compta parmi les membres du mouvement «Travail-Études » fondé par Li Yuying et fut ami de Deng Xiaoping : « Mon père voulait participer à l'émancipation de son pays. Mais lui, contrairement à ses camarades, n'est pas retourné au pays, car il a préféré rester auprès de ma mère, une Française. »
Stéphane Yang, 40 ans, le fils de Claude, s'est pris de passion pour l'histoire de son grand-père. « Je suis surtout fasciné par le voyage qu'il a entrepris à l'époque. » Une aventure de six mois à travers les déserts de Chine, puis la traversée depuis Shanghaï jusqu'à Marseille, sur un bateau dont il fallait alimenter en combustible les machines : c'est ainsi que Tche Tchen et ses camarades, parmi lesquels le futur maréchal Chen Yi, qui fut ministre sous le régime de Mao Zedong et rencontra le général de Gaulle au moment de la reconnaissance officielle de la Chine par la France en 1964, partaient chercher du bois aux escales. Tche Tchen quittait son pays pour la première fois. Et, sans le savoir, pour ne plus jamais y revenir.

 

Amitié Chine Montargis